tula-mama-tula

Karibu!!! Invitation au partage, à une mise en question, à un échange, à une écoute, à une lecture plus approfondie des réalités qui nous entourent,à un enrichissement, et à tant et tant encore. Karibu. Je me réjouis de partager tout ça avec vous!!!! Rafiki

Wednesday, December 31, 2008


no more
Snow on the Kilimanjaro...


a l'aube de 2009, vueillez trouver cet image du Kilimanjaro, que j'ai pu survoler en rentrant de la Tanzanie, et qui montre désespéremment claire, que la neige fond sur la plus renommée des montagnes de l'Afrique....

Shakespeare se retournerait dans sa tombe....

Monday, December 29, 2008




Que vous souhaiter pour cette nouvelle année,
que vous envoyer comme vœux…???

J’ai feuilleté les livres, les poèmes, les chansons,…
Pour exprimer en poète,en artiste ou même en star
Mes plus profonds désirs à votre égard

Mais aucune parole, aucun écrit, aucune musique
Ne pourrait vous dire mon plus intense souhait

Je ne peux ainsi – du très profond de mon âme- que
vous envoyer mon ardent espoir
Que vous puissiez
vivre aussi intensément, aussi merveilleusement, aussi pleinement, aussi douleureusement,
la vie qui vous sera réservée

Que celle dont j’ai pu goûter la saveur pendant cette année,qui s'achève
et qu’elle soit aussi heureuse aussi sereine et aussi profonde
Colorée par vos réussites, parfumée par vos expériences,
Irriguée par vos aspirations

Bien à vous - avec un immense merci .... à tous ceux et celles qui ont contribué à la réussite de cette année exeptionnellement heureuse


peinture trouvée dans un atelier anonyme dans la ville de Dar es Salaam ( port de paix)...


Quelques proverbes à titre d'inspiration...


• Aussi haut que vole un oiseau, il finit par se poser

• C'est avec l'eau du corps qu'on tire celle du puits

• Ce que le vieux voit assis, le jeune ne le voit pas debout

• Chaque rivière à sa propre source

• La pierre lancée avec bonté ne siffle pas

• La religion d'un homme est dans son coeur

• La rivière a beau être à sec, elle garde son nom

• Le chameau ne voit pas sa bosse

• Les oreilles ne depassent jamais la tête.

• Les vaches se lèchent parce qu'elles se connaissent

• Même la nuit, le lait est blanc

• Quand le chat n'a pas faim, il dit que le derrière de la souris pue !

• Qui s'instruit sans agir laboure sans semer

• Tous les blancs ont une montre, mais ils n'ont jamais le temps

• Un grain de maïs a toujours tort devant une poule

• Un seul homme peut declencher une guerre mais il faut être deux pour faire la paix

• Une main toute seule ne peut pas applaudir

Sunday, December 07, 2008



Si on vous demandait aujourd'hui, s'il y a sur cette terre des personnes vivantes qui vous inspirent, qui vous encouragent à croire en demain, qui vous invitent à leur rencontre et qui en quelques sortes représentent des petits ou grand(e)s héros-héroines du quotidien, je citerai immédiatement des personnes comme Marie Noelle Anderson, Mohammed Yunus, Michelle Obama, Chantal de Haguenau, Aminata Traoré, Kanyana Mutombo, Lilian Thuram, Eva Joly, Rigoberta Menchu, Wangari Matthaai, Hugo Clavez, ...
Ce serait avec une curiosité hors norme et un réel intérêt que je découvrirai vos choix
Par la présente je vous invite à découvrir en quelque sorte ( pour ceux et celles qui ne la conaissent pas encore) une dame que j' ai eu le plaisir de rencontrer en personne à Strasbourg et pour qui je cultive un immense respect.


AMINATA TRAORE : l’alternative africaine

Avec ses rues pavées et ses jeux pour enfants, le quartier Missira de Bamako ne ressemble à aucun autre dans la capitale malienne. Derrière ce chantier, Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture et du Tourisme du Mali, se bat pour promouvoir une vision plus responsable et créatrice de l’Afrique. Visite de son quartier, du Forum pour un autre Mali, de son dernier livre et d’un espoir : Porto Alegre.

Voici un extrait d'un article de l'Express

Aminata Traoré en couverture de l’Express Nous n’aurons passé en fait que très peu de temps en compagnie d’Aminata Traoré. Peut-être une heure maximum coincée entre deux visites : celle de son quartier à Bamako, le quartier Missira, et celle de l’enchanteur et cabalistique hôtel Djenné, un de ses quartiers généraux sur Bamako. Pas assez de temps pour se connaître, mais juste le temps d’emmener et de noter quelques sources d’information où l’on parle d’elle et de ses idées. C’est seulement après que nous en saurons davantage sur son itinéraire et sur ses combats de femme militante qui dépasse largement son quartier et qui occupe son pays, l’Afrique et le monde entier. Présentation en zoom arrière, du plus petit au plus grand, de sa première zone de front : le quartier Missira de Bamako.

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« Le soi, les voisins, le quartier » - quartier Missira, commune II de Bamako

Non, non, nous ne sommes pas dans un quartier présidentiel abritant ambassades et autres consorts du même acabit, mais dans le quartier Missira de Bamako. On est passé tout à coup des rues en terre battue, parsemées de flaques d’eau et de caniveaux ouverts, à des rues plus larges, pavées, bordées d’arbres et débarrassées des déchets domestiques habituels. Au bout de la voie, un jardin fleuri, un bâtiment hébergeant un centre de formation pour femmes et un marché en construction avec une brassée de charpentiers et de maçons au gros oeuvre dans les fondations. Vu l’originalité du lieu, on commence à avoir envie de rencontrer les auteurs de ce joli chantier. Et bien, les auteurs sont tous là : ce sont les habitants !

En amont de ce joli ravalement de façade, une approche du lien social et du dialogue inspirée de l’expérience du Centre Amadou Hampâté Ba (CAHBA), du programme PROWWESS (promotion of the role of women in water, environmental and sanitation services du PNUD), de la Coopérative des femmes pour l’éducation, la santé familiale et l’assainissement (COFESFA) dans lesquels Aminata Traoré a mis son grain de sel. Ces différentes expériences avaient fait ressortir les trois recettes fondamentales suivantes en matière d’action collective :

« les aspects techniques l’emportent, la plupart du temps, sur la dimension sociale et humaine sans laquelle les résultats n’ont pourtant pas d’ancrage ni d’avenir,
la participation véritable des populations n’a rien à voir avec l’appropriation par elles, de messages et de réponses préétablis. Elles doivent prendre part à l’analyse de leur propre situation, au suivi-évaluation en passant par la définition et la planification des solutions, des ressources et la mise en oeuvre,
l’information et la communication quant aux actions concrètes peut susciter un effet tâche d’huile (essaimage) ».

La partie visible du projet baptisé « Le soi, les voisins, le quartier » aura donc permis de paver des rues, de curage et de fermer les caniveaux, d’évacuer les déchets, de planter des arbres, d’aménager des espaces verts, des lieux de jeux pour les enfants, de rencontres et d’échanges pour les femmes. Au-delà de l’entreprise matérielle, l’organisation des habitants et leur implication dans la transformation du cadre de vie auront fait évoluer les relations des voisins entre eux et des citoyens avec le politique. Le « soi, les voisins, le quartier » suppose que la réconciliation des individus avec eux-mêmes et entre eux est un préalable à leur participation. Elle s’opère à travers la recherche de réponses aux questions suivantes : « Qui suis-je ? Qui est l’autre ? Où sommes-nous et où en sommes-nous à Missira ? Que pouvons-nous ensemble pour nous-mêmes, individuellement et collectivement aujourd’hui et demain ? Il s’est donc agi d’amener les habitants à formuler leurs desiderata et les conduire à s’autopromouvoir.

L’association Yeelen a été créée en 2000 pour élargir l’opération qui a été financée par la Coopération canadienne, la coopération du Grand Duché du Luxembourg, Aminata Traoré elle-même, la contrepartie malienne ayant été apportée par la Direction de l’Action sociale, la Primature, le Centre Amadou Hampâté Ba (CAHBA) et le temps passés par les habitants dans les multiples étapes d’aménagement. La mobilisation et la gestion rigoureuse des ressources financières et matérielles ont constitué le défi majeur une fois que le plan d’action avait été défini par les habitants. Ces derniers ont été informés, au fur et à mesure, du montant, des sources et des modalités de gestion de ce financement, la quasi-totalité des dépenses faisant l’objet de réunions de concertation.

L’avancée du projet ne s’est pas faite sans rencontrer quelques craintes et difficultés : « Aminata m’a fait part de sa crainte quant à l’interprétation que les gens pouvaient faire d’une pareille initiative (...) Dès la première réunion, certaine personnes ont déclaré qu’elles n’étaient pas intéressées par le pavage parce que les gens sont méfiants et doutent du sérieux des projets dans ce pays. Ainsi de réunion en réunion, nous avons appris à nous connaître (...) » déclare une membre de l’association Yeelen dans l’édition du Contrôle citoyen de juin 2004 (édition du Forum pour un Autre Mali). « L’image que les habitants ont d’eux-mêmes individuellement ainsi que les uns des autres est souvent altérée par le chômage et la pauvreté monétaire. La plupart d’entre eux semblent avoir intériorisé l’idée qu’ils sont pauvres. Cette autoperception secrète parfois de la rancoeur, voire de la rancune qui surgissent, de temps à autre, au point d’entamer la bonne marche du projet ». Et d’ajouter : « chacun a une idée de l’autre non pas pour ce qu’il ou elle fait mais plutôt pour ce qu’il ou elle a l’intention de faire (..) Il en est ainsi parce que les populations, au terme de quatre décennies d’expériences de « développement », sont désabusées et croient rarement à l’action désintéressée ».

Le bilan de l’opération est bien entendu très positif. On l’appréhende en écoutant le témoignage des protagonistes : « Nous n’avons pas encore conscience de tout ce que le projet apporté de positif dans notre vie ! » déclare une autre membre de l’association Yeelen. L’expérience a effectivement fait tâche d’huile et s’est étendue à d’autres rues de la ville de Bamako. Par ailleurs, une Fédération des Associations Maliennes pour l’Assainissement et le Protection de l’Environnement (FAMAPE) a vu le jour dans la foulée.


NB : Tous les informations ont été extraites du journal « Contrôle citoyen » de juin 2004, édité par le forum pour un autre Mali.
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Le Forum pour un autre Mali en un clin d’oeil...

Le Forum pour un Autre Mali est un espace de débat public sur la mondialisation et cherche à construire des alternatives de changement de l’échelon local à l’échelon global. « Le Forum pour un autre Mali est un lieu de questionnement sur la mondialisation libérale et ses répercussions économiques, politiques, sociales, environnementales et de quête d’alternatives, examine l’insalubrité ainsi que la pauvreté urbaine sous l’angle de la déstructuration et des tentatives de restructuration du tissu économique et social dans la cadre des réformes conçues et impulsées de l’extérieur » cite l’édition de juin 2004 du Contrôle citoyen.


Pour en savoir plus :

le site web du Forum pour un autre Mali -> http://www.autremali.org


L'ennemi subsaharien
Chaque fois que les peuples européens ont concrètement tenté d'englober tous les peuples
de la terre dans leur conception de l'humanité, ils ont été irrités par l'importance des
différences physiques entre eux-mêmes et ceux qu'ils rencontraient sur les autres continents.
Hannah Arendt

Obsédante est la question du soi dans un monde bouleversé, tourmenté. Nous, peuples d'Afrique, autrefois colonisés et à présent recolonisés à la faveur du capitalisme mondialisé, ne cessons de nous demander : qui sommes-nous devenus?
Le système économique dominant bouleverse les repères, les rapports à soi, à l'autre et entre les nations.

« ... Les pays riches ont peur de notre présence quand elle n'est pas susceptible d'ajouter à leur avoir, peur de nos différences quand elles sont trop visibles. Inutiles, les nouveaux naufragés entassés sur des embarcations de fortune, supposées les conduire vers la terre ferme de l'Europe. Invisibles, les désespérés qui traversent l'enfer du désert. Indésirables, ceux qui, menottes aux poignets, sont reconduits dans leur pays d'origine.
Mais l'humiliation du continent africain ne réside pas uniquement dans la violence, à laquelle l'Occident nous a habitués. Elle réside également dans notre refus de comprendre ce qui nous arrive. Car il n'y a pas d'un côté une Europe des valeurs et du progrès et de l'autre une Afrique des ténèbres et des malheurs. Cette vision, que certains d'entre nous ont tendance à intérioriser, vole en éclats dès l'instant où l'on touche du doigt les mécanismes de la domination, de la paupérisation et de l'exclusion.
Le défi auquel nous faisons face aujourd'hui, c'est d'imaginer des perspectives d'avenir centrées sur les êtres humains. Une réappropriation de nos destins qui fait appel à nos langues, à nos repères, à des valeurs de société et de culture qui nous sont familières. » (Quatrième de couverture).







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Note de lecture de l’ouvrage « Le viol de l’imaginaire » - éditions Fayard / Acte Sud - mars 2004


Un soir de juillet, à la terrasse d’une buvette à Koutiala (sud Mali) peu après avoir quitté Bamako, en jetant par hasard un coup d’oeil sur l’écran de télévision dont les images profitaient à tous les voisins de la taverne, on apercevait Aminata Traoré, invitée exclusive d’une émission animée par un journaliste et à laquelle le public participait. On pouvait l’entendre révéler une bonne dizaine de vérités piquantes sur « l’étau » (titre d’un de ses livres), dans lequel se trouve le Mali comme d’autres pays africains, autrement dit les effets de la mondialisation et de la dépendance à l’égard des institutions financières internationales. Son franc-parler, la connaissance de son pays, comme son son apparente intégrité nous laissaient deviner qu’elle avait du rouler sa bosse à travers les rouages de la politique et les projets de développement. Quelques jours après, nous mettions la main sur son dernier ouvrage « Le viol de l’imaginaire » pour en savoir un peu plus.




Plutôt percutant comme titre d’ouvrage. Le « viol » parce qu’il touche les diables qui, selon Aminata Traoré, ont détourné l’Afrique « de ses repères », du sens qui l’animait, et « l’imaginaire » car les diables empiètent profondément dans l’inconscient et perturbent la « capacité des africains à imaginer un avenir bâti sur le présent et enraciné dans leur passé ». Des diables qui ont pour nom la globalisation néo-libérale, l’omniprésence idéologique et conceptuelle du modèle occidental, l’héritage colonial, le « manque de vision et de courage des dirigeants politiques », le manque de prise de la société civile sur son propre avenir, la dette extérieure et la manne financière des instituts financières internationales assortie de leurs programmes d’ajustement structurel. Voici quelques uns des maux qui minent ouvertement et secrètement le Mali comme d’autres de ses semblables du continent mais qui ont la chance d’avoir une Aminata Traoré subversive, opposante et alternative, poète aussi, pour montrer, dénoncer et esquisser finalement les plans une autre Afrique. Tout au long de l’ouvrage, l’auteur éclaire de sa pratique des institutions étatiques et internationales la déviance des mécanismes de gouvernance (elle a animé notamment le programme PROWWESS du PNUD visant à promouvoir le rôle des femmes dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement). On commence par un peu d’histoire : l’indépendance coloniale de 1960, les tentatives infructueuses de développement endogène du pays, suivies en 1967 de la signature des accords monétaires avec la France, l’imposition de règles dans le marché intérieur et la progressive dépossession économique du pays (libéralisation, ouverture aux investissements étrangers). Elle dénonce un modèle de développement « conçu et téléguidé de l’extérieur » dont les règles, les schémas, les concepts, le paradigme s’immiscent à l’intérieur des individus, dans les idées, les comportements et les approches des institutions étatiques et des gouvernants. C’est cela qu’elle nomme le viol de l’imaginaire : l’impossibilité pour un peuple colonisé de bâtir de la confiance, d’être enfermé dans les catégories de la pauvreté (pays pauvre très endetté) et de ne pouvoir échafauder son avenir qu’en se courbant devant les dispositions aliénantes des puissants. Elle cite les propos de Mamousse Daigne : « Il n’y a pas de dépossession plus grave que celle qui interdit à un sujet l’accès à la question qui le concerne (p. 67) » puis de Frantz Fanon : « quand nous entendons un chef d’Etat européen déclarer, la main sur le coeur, qu’il lui faut venir en aide aux malheureux peuples sous-développés, nous ne tremblons pas de reconnaissance » (p.81). Elle décrit finement ce qu’elle nomme le désamour de soi-même en parlant de l’Afrique qui entretient, en spirale vertueuse sa propre domination : « avoir été colonisable et le demeurer suppose qu’en dépit de nos dénonciations politiques nous envions l’Autre bien qu’il soit l’agresseur. Pourquoi ? La puissance colonisatrice limite notre capacité de résistance en s’attaquant à l’image que nous avons de nous-mêmes. Celle-ci est frappée de désamour. Il s’agit d’une situation où l’autre ne vous aime pas tel que vous êtes et vous le fait savoir. Pour avoir intériorisé son regard, vous ne vous aimez pas davantage. C’est alors que progressivement, vous aspirez à être et à vivre comme lui » (p. 164). Non seulement le développement du pays est dicté de l’extérieur mais il doit se conformer à toute une batterie de critères et aux conditionnalités de l’aide qui « imposent tant de compromis et de compromissions » dont l’ajustement structurel (qui consiste à réduire les dépenses publiques, augmenter les impôts, ouvrir les frontières et le marché intérieur aux investissements étrangers, compromettre les investissements à plus long terme dans l’éducation, la santé notamment) et dont « 70% des financements échapperaient aux maliens, et profiteraient aux bureaux d’étude, fournisseurs, experts et Ong émanant des pays donateurs » (p. 86). Face à cela, la seule solution consiste à construire des alternatives. Elle en appelle à la reconstruction d’une Afrique qui s’appuierait sur son potentiel et sur ses capacités à s’emparer de son destin collectif. L’occasion lui a même été donnée au gouvernement de prendre en charge le ministère de la Culture et du Tourisme en septembre 1997. Elle y a essayé de nouvelles approches, en a vérifié le bien-fondé et la pertinence mais son action est trop dérangeante et bouscule l’institution. Elle comprend que son approche et sa créativité ne feront pas bon ménage avec les règles de l’Etat malien. L’alternative idéale est selon elle en même temps dans l’éthique, la réforme de la gouvernance à divers niveaux et la relance des initiatives : « promouvoir une vision africaine de l’entreprenariat et de l’investissement, fondée sur le respect humain et l’éthique en politique (..), consolider les liens qui l’unissent à sa diaspora et ce dans tous les domaines : culturel, artistique, économique et politique, (...) relancer la production en Afrique, celles des biens mais aussi celle du sens, c’est à dire des valeurs morales et philosophiques, renforcer les capacités d’analyse et de contrôle de la société civile, responsabiliser nos dirigeants politiques, annuler la dette extérieure, réformer les institutions internationales (Fonds monétaire international, OMC et Banque mondiale) ». Et pour ce faire, réhabiliter l’imaginaire, croire fermement qu’une autre Afrique est possible en même temps qu’un autre monde devient possible par « la porte d’allégresse » ouverte par le Forum social mondial de Porto Alegre auquel elle a participé en 2001. Enfin, individuellement, affirmer le « je » et le « nous » et se parer d’espoir :


Un jour tu viendras dans une Afrique Retrouvée Sur l’esplanade une ville Eclatée dans les terres mouillées Des pleurs de nos femmes Tu viendras dans une Afrique Retrouvée Sous le baobab il y aura des hommes Des hommes sortis des terres mouillées Des pleurs de nos mères Il y aura des chants Les chants du travail de nos terres et des rires les rires du pain Pour mon frère au visage de sueur

(Massa Makan Diabaté écrivant à son ami du nord Michel Verret cité à la fin de l’ouvrage p. 201)









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Porto Alegre, la bien nommée

Dans le même livre, Aminata Traoré consacre un chapitre entier à évoquer l’enjeu et l’espoir que représente le Forum social mondial de Porto Alegre pour elle et ses compatriotes. « C’est tel un tambour à l’aube des temps nouveaux que l’appel de Porto Alegre m’est parvenu. Mon coeur de femme africaine, qui sait pourquoi il pleure, s’est alors mis à chanter l’espérance en exprimant mon rêve d’alternatives à haute voix (...) je me sentais de mon peuple, de mon continent et de ce monde de « quêteurs » de liens et de sens à la vie ». Elle tire son chapeau ensuite aux initiateurs de l’évènement et les fait baliseurs d’un chemin d’espérance. Porto Alegre, si bien nommée, selon ses dires, évoque chez elle l’idée de « porte » et d’ « allégresse » et lui offre une issue à la prison dans laquelle elle s’était laissée enfermer en entrant au gouvernement et un moyen de sortir de la grisaille. L’utopie de prendre part en tant qu’acteurs et organisations citoyennes d’Afrique aux revendications, aux propositions d’alternatives qui habituellement ne font trop souvent qu’effleurer les décideurs politiques, entre avec cette porte dans la réalité. Une quarantaine d’africains et d’africaines étaient présents au forum social mondial en 2001 sur les seize mille participants. On pourrait avoir mieux comme représentation du continent noir pour discuter collectivement des enjeux de la globalisation et porter la parole du mouvement social africain. C’était un début. « Cela n’enlève rien, déclare-t-elle, au mérite des organisations du nord, qui croient possible, comme nous-mêmes, l’avènement d’une autre Afrique qui s’emploient à le favoriser » (p. 148). De retour en Afrique après Porto Alegre en 2001, le premier forum social africain voyait le jour du 4 au 9 janvier 2002 à Bamako organisé de concert avec Taoufik Ben Abdallah (Ong Environnement et Développement du Tiers-Monde - Dakar, voir ci-dessous le lien hypertexte) et postulait le même cri de ralliement : « une autre Afrique est possible ». Elle est possible, écrit Aminata, si elle ne s’accommode pas du fardeau de la dette extérieure, si les organisations de la société civile parviennent à une meilleure connaissance des mécanismes et des enjeux de la globalisation, si elles peuvent effectuer un contrôle citoyen sur les acteurs institutionnels et politiques. Elle sera possible si elle reçoit la « complicité et la solidarité des autres citoyens du monde, notamment ceux de l’hémisphère nord », si elle parvient à « valoriser réellement les compétences africaines dans l’intérêt du continent, en lieu et place des politiques dites de renforcement des capacités qui consistent à huiler les rouages du néolibéralisme et à accroître au maximum le nombre de béni-oui-oui », si les « gouvernants et le peuple africain se mettent à redonner aux Etats leur « souveraineté et leur prérogative dans la réhabilitation des hommes et de la société ».

Et voilà une posotion courageuse mettant en question la plupart des péroquets mondiaux sur un homme politique .... "diabolisé"....




60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droit de l'Homme

Robert mugabe
L'insoumis et le bouc émissaire.

par Aminata D Traore, Ancienne ministre, Essayiste, Animatrice du Forum pour un Autre Mali (FORAM)


"Il n'est pas certain que l'extrême personnalisation du conflit et la diabolisation de l'un des principaux protagonistes - Robert Mugabé en l'occurrence – ait aidé en quoi que ce soit à clarifier les enjeux de la lutte sociale et politique en cours au Zimbabwe".
Achille Mbembe (Zimbabwe : le cynisme des nations)



1. QUI JUGE QUI ? POUR QUELS CRIMES ?
Le torrent de boue dont on couvre Robert Mugabé depuis de longs mois a quelque chose de nauséabond et de suspect. J'en souffre.

"Qui le juge ? De quels crimes est-il coupable ?" sont parmi les questions que nous sommes nombreux à nous demander, ce 10 décembre 2008, à l'occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH).

"A 85 ans, pourquoi s'accroche-il tant au pouvoir ?" entendons nous dire. Est-ce une raison suffisante pour l'humilier ? Est-il le seul de cette génération, à occuper ce poste a un tel âge ?

"Il est au pouvoir depuis 28 ans." En termes de longévité au pouvoir est-il le doyen en Afrique ?

"La fraude électorale ?" A-t-on oublié les élections américaines de 2000?

Rares sont ceux qui, en dehors du continent, se doutent des enjeux véritables de cette campagne de dénigrement et de déstabilisation d'une rare violence contre cet homme tant le titre de dictateur sied aux dirigeants du Sud, plus particulièrement ceux du Continent noir. Il suffit de regarder du côté de la Cour Pénale Internationale pour s'en convaincre. Pendant ce temps les fauteurs de guerre en Irak et en Afghanistan se posent en défenseurs des droits de l'homme au Zimbabwe et partout ailleurs.

Puisqu'ils ne sont pas à une contradiction près, les puissants de ce monde élèvent par ailleurs des murs devant ceux dont ils prétendent défendre les droits lorsque ceux-ci tentent d'échapper aux effets destructeurs du capitalisme mondialisé. Le pacte européen sur l'immigration et l'asile dont la France a fait de l'adoption une priorité dans le cadre de sa présidence de l'Union Européenne est l'une des traductions de ce cynisme.


2. L'INDIGNATION SELECTIVE
L'indignation et la justice à géométrie variable qui jettent le discrédit sur les droits de l'homme tournent au scandale lorsque George W Bush se joint à Gordon Brown et Nicolas Sarkozy pour exiger la démission de Robert Mugabé, responsable selon eux des 600 personnes victimes du choléra. Toute perte de vie humaine est un drame. Mais alors, que dire des guerres en Irak et en Afghanistan qui ont fait près d'un million et demi de morts ?

Robert Mugabe aurait ruiné son pays dont l'économie était florissante et violé les droits des Zimbabwéens. En huit années d'une gestion calamiteuse George W Bush, a fait pire en conduisant l'économie la plus puissante de la planète au bord du gouffre avec des conséquences dramatiques et pour son pays et pour le reste du monde : accroissement du chômage, pertes de revenus, tensions sociales et violences en tout genre.

Que fait et que compte faire la fameuse communauté internationale dont George W Bush et ses alliés se réclament face au drame de l'Irak puisqu'il a enfin admis qu'il a commis une "erreur" tout en se défaussant sur des services de renseignements qui lui auraient présenté Saddam Hussein comme une menace pour les USA ? Ce mea-culpa tardif n'incite, visiblement, ni le Président américain, ni le Premier ministre britannique a changer de regard et de perspectives quant au Zimbabwe. Le départ de Robert Mugabé, le Saddam Hussein de Tony Blair, est une obsession. Et, tant mieux, si la faim, le chômage, la maladie et la fuite des Zimbabwéens, provoqués par des années d'isolement et de sanctions économiques, peuvent être instrumentalisés en vue d'atteindre cet objectif. Un tel acharnement participe, bel et bien, à la criminalisation, la traque et l'élimination de la "racaille" dans les banlieues du monde globalisé.

Ainsi va le monde, soixante ans après la déclaration universelle des Droits de l'Homme (DUDH). Le "plus jamais ça" est parfaitement valable pour les "civilisés" qui évitent la guerre chez eux et se serrent les coudes dans la mise au pas des "barbares". Pillée et humiliée l'Afrique se doit de tirer le maximum d'enseignements de cette réalité en apprenant à distinguer les conséquences des actes de sabotage économique et de déstabilisation des dirigeants qui osent dire "non" de la mauvaise gestion que les démocraties occidentales savent, du reste, pardonner tant que leurs intérêts ne sont pas menaces


3. L'ASPHYXIE ECONOMIQUE
Pèle mêle, les ennemis de Robert Mugabe retiennent, contre lui, en plus de l'expropriation des fermiers blancs des terres agricoles, l'hyperinflation qui chasse les élites (médecins, avocats, enseignants, journalistes…) du pays, l'opération de déguerpissement des mal logés en 2005, la fuite de plus de trois millions zimbabwéens vers l'Angleterre et l'Afrique du Sud, la répression des opposants, le pourcentage élevé de personnes atteintes du SIDA, la faim et, à présent, l'épidémie de choléra.

Mais, la quasi-totalité des situations imputées à l'incapacité du dirigeant zimbabwéen à gérer son pays résulte d'abord du non respect d'engagements pris, l'une des caractéristiques de nos rapports avec les pays riches comme l'atteste, plus récemment, les fausses promesses d'aide du Sommet de Gleneagles. L'argent qui coule à flot ces derniers temps dans le cadre du sauvetage des banques a toujours fait défaut quand il s'agit d'honorer les engagements pris envers les peuples dominés. Le facteur déclencheur de la crise zimbabwéenne est plus précisément le non respect par la Grande Bretagne de l'accord de Lancaster House (signé en 1979) selon lequel elle devait dédommager les fermiers blancs dans le cadre de la réforme agraire.

La terre, - un enjeu central dans toutes les sociétés dont l'économie repose sur l'agriculture - est donc au cœur de la rupture. C'est en cela que le bras de fer entre l'ex Rhodésie du Sud et l'ancienne puissance coloniale est emblématique des tensions en Afrique Australe et des conflits à venir à l'échelle du Continent puisque l'ouverture au marché rime de plus en plus avec l'octroi de centaines de milliers d'hectares aux investisseurs étrangers au détriment des petits producteurs.

L'économie zimbabwéenne était florissante et Robert Mugabé fréquentable tant que la minorité de fermiers blancs d'origine britannique pouvaient faire travailler des centaines de milliers d'ouvriers agricoles noirs sur les millions d'hectares de terres agricoles qui étaient en leur possession. Le héros de l'indépendance, est devenu l'homme à abattre à partir du moment où face au refus de Tony Blair de respecter les termes de l'accord de Lancaster House, il a dû récupérer les terres des fermiers blancs. Tout a depuis lors été dit à propos de la redistribution de ces terres qui n'aurait profité qu'aux proches de Robert Mugabé. La réalité est toute autre. Des milliers de familles sans terre jouissent aujourd'hui de leur droit à ce moyen de production. L'irrigation, les fertilisants, les prêts et la mécanisation sont autant d'efforts fournis dans le cadre de cette réforme agraire,avec les maigres moyens de l'Etat la priorité étant la couverture des besoins nationaux par l'agriculture nationale.

L'Europe, l'Amérique du Nord, l'Australie, la Nouvelle Zélande ont réagi dès la première procédure de retrait des terres, en 1997. Le dollar zimbabwéen a commencé à chuter et les sanctions économiques à pleuvoir : privation du pays de toute aide extérieure, de crédit, d'assistance de la part des institutions financières internationales et l'interdiction d'échanges commerciaux avec les entreprises américaines. Le pays de Robert Mugabé n'a bénéficié d'aucune aide en matière de balance des paiements depuis 1994 alors que jamais auparavant, il n'avait été privé d'apports extérieurs. Il a fallu, faute de prêts assortis de conditions favorables procéder à des émissions monétaires.

L'ingérence et la subversion à la base consistent dans ces circonstances à créer la pénurie en privant l'Etat souverain de moyens et à soutenir des ONG et des opposants politiques qui s'attirent la sympathie des populations auprès desquelles ils interviennent

Les conséquences de l'embargo et des sanctions économiques ont été aggravés par des sécheresses autrefois cycliques (à peu près tous les dix ans) mais désormais fréquentes du fait des perturbations climatiques.



4. L'ALIBI DEMOCRATIQUE
La Grande Bretagne prendrait une sacrée revanche sur l'histoire et rendrait un immense service aux fermiers blancs qui attendent, si elle parvenait à porter au pouvoir dans son ancienne colonie, un dirigeant de son choix ou tout au mois acquis au libéralisme économique.

Au-delà de la Grande Bretagne, les puissances coloniales et leurs alliés n'ont jamais eu autant besoin de renforcer leur présence en Afrique, l'avancée de la Chine étant une véritable menace pour eux. Ils y arrivent au prix de l'ingérence, de la subversion et de la guerre. C'est dire jusqu'à quel point le fossé est abyssal entre la rhétorique sur la démocratie, les droits de l'homme et les desseins des Etats libéraux d'Europe et d'Amérique sur le Continent noir

Le débat houleux qui pendant longtemps a opposé les Occidentaux aux dirigeants des pays d'Asie dont la Chine quant à la primauté des droits économiques et sociaux sur les droits politiques ressurgit ainsi à la faveur de la mondialisation néolibérale sans être pris en charge de manière conséquente par les formations politiques africaines, la société civile et les médias. Il en est ainsi parce que les dirigeants africains savent que leurs pays seraient dans le même piteux état que le Zimbabwe s'ils s'avisaient, à l'instar de Robert Mugabe, à aller à l'encontre des intérêts dominants. La politique de la terre brûlée est réservée, comme ce fut également le cas pour la Guinée de Sékou Touré, à tous ceux qui s'écartent du "droit chemin".

Pour l'heure, en dépit du satisfecit des Occidentaux pour certaines "transitions démocratiques", le vote ne sert qu'au renouvellement du personnel local du système-monde. Les électeurs locaux en deviennent, à leur propre insu des clients de la politique spectacle et les victimes des rapports marchands qui lui sont sous-jacents. Les sujets qui peuvent écorcher les oreilles du G8, de l'UE et les IFIS tel que le pillage des matières premières de l'Afrique, le diktat des grandes puissances, la dette extérieure, les réformes néolibérales sont soigneusement écartés du débat électoral quand débat il y a. Et gare aux esprits critiques (opposants, médias, citoyens avisés…) qui osent défier les dirigeants dirigés dans leurs comportements mimétiques et complaisants. Ils sont combattus, de manière sournoise ou ouverte. Par contre, les faux opposants, les médias aux ordres, les associations et ONG qui savent manier la langue de bois seront épargnés, récompensés et utilisés pour soigner l'image du pays.



5. NOUS SOMMES TOUS ZIMBABWEENS
Rien ne justifie l'humiliation de Robert Mugabé et les privations imposées à son peuple afin qu'il se soulève et le renverse. Il n'est pas paranoïaque puisque Gordon Brown et ses alliés après avoir poussé Morgan Tsvangiraï marchent à présent à visage découvert et sans complexe, lui demandant de démissionner. Nommer et défier ses agresseurs n'a rien à voir avec la haine des Occidentaux véhiculée par certains médias qui excellent dans le lavage des cerveaux quant a Robert Mugabe. Précisément parce qu'il se savait le dirigeant d'un pays composé de Blancs et de Noirs il a tenté de les fédérer en nommant des ministres zimbabwéens d'origine britannique dans gouvernement

Robert Mugabé n'est en aucun cas ce bourreau qui affame son peuple et le condamne à mourir du cholera et de je ne sais pas quelle autre maladie. Les quinze années durant lesquelles il avait les mains libres il a réussi à réaliser le taux d'éducation le plus élevé du continent en plus des performances économiques enregistrées. On ne peut lui reprocher non plus de s'être enrichi personnellement; à l'instar de la plupart de ses homologues même si certains excès son reprochés à son épouse.

La persécution dont il est l'objet augure en réalité des difficultés à venir chaque fois qu'un dirigeant africain voudra se démarquer de la pensée unique en revendiquant la souveraineté économique, politique et alimentaire. Nous serons faibles et vulnérables tant que, face a une telle situation les peuples conscients des enjeux et des dangereux rouages du monde actuel ne prendront pas leurs destins en mains et ne défieront pas eux-mêmes leurs dirigeants mais aussi l Union Européenne, les IFIs les anciennes puissances coloniales en quête de lieux d'ancrage ; de matières premières et de parts de marches

Nous sommes tous des Zimbabwéens face au défi de la nouvelle citoyenneté qui fera de nous les seuls et véritables responsables de l'alternance politique dans nos pays et de la défense de tous nos droits.

Bamako le, 10 décembre 2008

Quelques compléments :
le rêve d’Aminata Traoré (extrait de son livre) -> consulter
le site web du Forum pour un autre Mali -> http://www.autremali.org
le Forum social africain - interview de Taoufik Ben Abdallah (ENDA Maghreb) -> voir le portrait
l’ouvrage l’Afrique au secours de l’Occident - Anne-Cécile Robert - les éditions de l’Atelier - Paris - 2004
La réforme de l’aide internationale - note de travail de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (format PDF - 150 Ko) -> télécharger
L’esquisse d’un agenda pour le XXI siècle défini suite à l’Assemblée mondiale de citoyens de 2001 (format PDF - 300 Ko) -> télécharger
Mettre la coopération au service des acteurs et des processus de développement - préface de Michel Rocard et coordination de Pierre Calame (format PDF - 400 Ko) -> télécharger
le site web du Forum social mondial -> consulter
le site web de l’Alliance pour un monde responsable pluriel et solidaire -> consulter