© UNESCO/Operation Upgrade
Les cours d’alphabétisation doivent s’adapter au contexte social.
L’un des deux Prix Confucius UNESCO d’alphabétisation a été attribué cette année à Operation Upgrade (Afrique du Sud), pour son projet Kwanibela. Les méthodes novatrices de cette ONG ont donné d’excellents résultats en matière d’alphabétisation et d’autonomisation des femmes vivant dans les zones rurales. Un exemple à suivre.
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Pour Jabu Sithole, le simple fait d’aller à la clinique représentait une expérience traumatisante. Cette mère de cinq enfants à la voix douce ne savait ni lire ni écrire et cela n’était pas sans conséquences sur la santé de ses enfants.
« J’ai cinq enfants. Chacun d’eux possède une carte de la clinique à son nom. Mais quand l’un d’entre eux tombait malade, je ne savais pas laquelle il fallait prendre. J’emmenais l’enfant à la clinique en emportant les cinq cartes et j’étais obligée de demander à l’accueil qu’on me trouve la bonne. Les infirmières se moquaient de moi. Je n’arrivais pas à me décider à emmener mes enfants à la clinique parce que j’étais embarrassée et j’avais honte. »
Mais au bout de trois mois seulement de cours d’alphabétisation la vie de Jabu a commencé à changer : elle était déjà capable de reconnaître le nom de chacun de ses enfants. Elle apprenait non seulement à lire et à écrire, mais aussi à organiser sa vie à Kwanibela.
Kwanibela est une zone aride dans la région du Kwazulu-Natal, en Afrique du Sud. La ville la plus proche, Hluhluwe, se trouve à 50 kilomètres de là. Il ne faut pas s’étonner que certains l’appellent « terre oubliée de Dieu ».
Il est tombé très peu de pluie au cours des huit dernières années. En plus de la pénurie d’eau, il n’y a ni électricité ni lignes téléphoniques. On y considère le maïs comme un produit de luxe et 26 % de la population seulement sait lire et écrire.
Une partie des habitants – des hommes pour la plupart – quitte sa famille pour gagner les grandes villes, dans l’espoir de trouver du travail. Les autres s’efforcent de joindre les deux bouts sur les terres tribales où résident quelque 26 000 personnes.
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La lecture, c’est de la nourriture
Cependant, depuis quatre ans, il y a une lueur d’espoir. Jabu participe, comme beaucoup d’autres, au programme Kwanibela d’alphabétisation pour les adultes, géré par l'ONG Operation Upgrade, qui a été fondée en 1966.
Son nouveau programme a débuté en 2004. Utilisant des méthodes interactives d’enseignement de la langue maternelle, de l’anglais et du calcul, il a eu un impact considérable sur la vie des habitants de Kwanibela. Il leur fournit également des cours sur des thèmes précis, comme le VIH et le SIDA, par exemple.
« Les cours d’alphabétisation doivent s’adapter au contexte social », déclare Pat Dean, qui dirige à la fois l’ONG Operation Upgrade et le programme Kwanibela. « C’est pourquoi, alors que l’anglais est en option pour les apprenants, le VIH et le SIDA et la sécurité alimentaire font partie intégrante de presque chaque leçon. Il est impossible de suivre des cours d’alphabétisation si l’on n’est pas en mesure de nourrir ses enfants », Cette approche a abouti à la création de 28 cours, animés par 18 éducateurs, dont bénéficient 400 apprenants adultes.
L’une des grandes réussites de ce projet a été la création – par les élèves eux-mêmes – de cultures sous serres utilisant des méthodes hydroponiques. Chacun des 28 groupes possède une serre qui leur procure à la fois sécurité alimentaire et revenus. Cette méthode a connu un tel succès que l’un des groupes est devenu fournisseur d’épinards à une importante chaîne de supermarchés sud-africaine.
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Le SIDA nous menace – menaçons le SIDA
Il reste toutefois beaucoup d’obstacles à surmonter, estime Itumeleng Petersen, coordinatrice de la formation : « C’est triste de voir tous ces hommes qui reviennent au village après avoir travaillé dans de grandes villes comme Johannesburg ou Durban. Beaucoup d’entre eux sont séropositifs et ils ont parfois quatre ou cinq épouses : elles sont toutes contaminées. Mais grâce à notre travail d’information, les femmes apprennent à se protéger et à se soigner lorsqu’elles sont contaminées. »
Elle explique que l’information sur le VIH et le SIDA constitue une part essentielle du projet. Les enseignants reçoivent une formation spécifique en cette matière et intègrent les informations sur la maladie à leurs cours d’alphabétisation.
Le programme Kwanibela a aussi abordé de front un autre problème crucial : l’eau. Certains élèves ont été dotés d’hippos (dispositif à roues qui facilite le transport de l’eau) et d’autres ont bénéficié de l’installation d’un système de récolte de l’eau de pluie à leur domicile.
Ils se sont à tel point investis dans ce programme que beaucoup d’entre eux parcourent jusqu’à 20 kilomètres à pied pour se rendre à leurs cours. Mais il est évident que leurs efforts sont largement récompensés. « Lorsqu’en lisant, ils réussissent à enchaîner une ou deux phrases, leurs yeux se mettent à briller. Pour eux, c’est comme s’ils avaient découvert un trésor », dit Itumeleng Petersen.
Et le formateur Nomonde Diko d’ajouter : « Bien qu’ils ne soient pas en mesure de lire l’inscription ‘Operation Upgrade’ sur notre véhicule, quand nous arrivons au village, ils savent qui nous sommes et leur accueil est si chaleureux qu’il me met du baume au cœur. »
Corrinne Louw, journaliste à l’hebdomadaire communautaire Kwana Newspaper (Durban, Afrique du Sud)
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